Aujourd’hui, alors que j’avais prévu de vous parler de tout autre chose, je vais finalement revenir sur un phénomène que l’on voit se développer de plus en plus ces derniers temps : le financement participatif. N’ayant pas pour but de vous rédiger un énième article là dessus en expliquant ses avantages et inconvénients, mais plutôt un constat concernant les grands noms du jeu vidéo, qui ont de plus en plus recours à cette technique.
Qu’est ce que le financement participatif (crowdfunding en anglais) ?
Il s’agit simplement de présenter un projet sur une plate-forme dédiée afin de trouver le plus grand nombre de participants au financement. Ce n’est pas un phénomène récent car le financement communautaire participatif est né au XVIIIème siècle dans le domaine de la charité, mais s’est considérablement développé avec l’apparition d’internet dans les années 90, pour atteindre un point de paroxysme à l’heure actuelle, en touchant à un nombre de domaines toujours plus important. Ce type de financement peut avoir plusieurs objectifs : toucher une population très importante avec le relai des réseaux sociaux, ou encore aller directement solliciter le cœur de cible du projet, et ainsi lui donner de la crédibilité en montrant qu’il y a une demande pour celui-ci.
Le financement pour tous ?
Depuis quelques temps, on s’aperçoit que de plus en plus de développeurs de renommée internationale, ayant quitté les studios qui ont fait leur fortune, font appel à ce système… Il y a encore moins de cinq ans, on ne voyait sur ces plate-formes que des développeurs « novices » et bien souvent débutants, à la recherche des financements que le système bancaire traditionnel leur refusait. C’est ainsi que nous avons pu voir fleurir des titres comme The Banner Saga, FTL ou moins récemment Braid sur des modèles participatifs qui ont su créer un engouement très particulier.
Le succès de tels titres ont forcément donné des idées à ces grands développeurs que l’on retrouve aujourd’hui sur les Kickstarter ou autres Ulule. Certes, ceux ci n’ont pas les mêmes problématiques de budgétisation de leurs projets car la plupart du temps, eu égard à leur renommée, ils disposent déjà des accords sur une grosse partie de leur financement. De plus en plus, ces développeurs veulent à tout prix passer par ce système afin de tâter le terrain auprès des fans de leurs précédentes œuvres, avoir déjà une base d’acheteurs pour leur nouveau titre. Ceci, tout simplement dans le but de rassurer les investisseurs traditionnels en voyant le flot de « backers » affluer. En outre, cela leur permet dans certains cas, d’échanger avec leurs « backers » sur la façon d’appréhender leur jeu, sur tel ou tel passage qui pourrait être amélioré ou encore écouter leurs demandes de joueurs… une espèce de beta test ou de brainstorming suivant les étapes de développement, en quelque sorte, une façon de se soucier de la production finale et du ressenti « client ». Enfin, j’ajouterai également que ce type de financement permet également aux développeurs de rajouter certains modes de jeu, niveaux, personnages qui n’étaient pas prévus au début de la conception en fonction des montants acquis pendant leur campagne, mais ça c’était déjà le cas pour les projets plus « humbles ».
Quelques exemples de grands noms
Pour vous illustrer ceci, j’ai choisi quelques exemples de développeurs ayant plus que fait leurs preuves depuis les années 80 et qui ont eu recours à cette formule récemment et pouvant atteindre des sommes parfois folles.
Frédérick Raynal, on ne le présente plus dans le monde vidéoludique français, papa d’Alone in the Dark et de Little Big Adventure, il a lancé un projet sur Ulule pour financer son prochain jeu d’aventure de type Survival Horror, dénommé 2Dark. Faible montant demandé (30000€), qui au final réussit à passer les 113% de l’objectif. Il a la particularité d’impliquer directement les « backers » au projet en demandant leur avis sur un espace dédié et en leur confiant l’accès à certains de leurs outils comme le Voxel Editor ou encore le premier niveau en accès Beta.
Site internet : http://www.2dark.cc
Autre grand nom du jeu vidéo français en la personne de Paul Cuisset, le célèbre créateur des Voyageurs du Temps, Croisière pour un Cadavre ou dans un autre registre Flashback. Faible demande de financement avec ses 40000$ qui fut atteinte à 108% pour ce jeu d’aventure réalisé avec les techniques d’aujourd’hui et comprenant des énigmes retorses comme nous avions pu en avoir pendant les années 90. Subject 13 est depuis sorti et est un excellent titre qui ravira tous les fans de cette grande époque du jeu d’aventure avec narration de très bonne qualité, scénario original et difficulté progressive.
Lien : http://store.steampowered.com/app/322970
David Braben est, quant à lui, connu pour avoir créé la saga Elite sur les micro-ordinateurs des années 80, après une campagne Kickstarter rondement menée, lui permettant d’amasser plus de deux millions d’euros, Elite Dangerous a pu voir le jour le 16/12/2014. Cette simulation / MMO spatial vous met aux commandes d’un vaisseau avec pour missions de faire ce que vous souhaitez dans l’univers composé de 400 milliards d’étoiles : commerce, contrebande, chasse de primes, armée… et les futures mises à jour du jeu ont de quoi nous faire encore plus rêver : atterrissage sur certaines planètes et exploration, visites des vaisseaux en vue à la première personne, interactions avec d’autres joueurs… Bref, tout ce que l’on a toujours voulu avoir sur un simulateur spatial mais qui n’était pas possible de réaliser techniquement, du moins pour l’aspect communautaire.
Lien : https://www.elitedangerous.com/
Dans le même acabit qu’Elite Dangerous, nous avons également le créateur de la merveilleuse série des Wing Commander, Chris Roberts, qui s’est lancé dans le projet absolument pharaonique de créer une simulation spatiale dotée d’un monde persistent et de modes de jeux en vue FPS permettant l’exploration des planètes mais aussi des combats de pilotes avec les autres joueurs rencontrés. A priori, un jeu dans la même veine que celui présenté juste au dessus mais qui n’est encore qu’au stade de développement. Sur le plan financier, Chris Roberts et sa bande ont réussi à lever plus de 80 millions de dollars depuis l’ouverture du projet… et, même si la date de commercialisation du jeu est loin d’arriver, on peut d’ores et déjà s’attendre à un titre défrayant la chronique de par son ampleur.
Lien : https://robertsspaceindustries.com/
Tous les fans de point’n’click le connaissent comme le créateur de Monkey Island mais aussi de Maniac Mansion. Ron Gilbert a décidé de remettre le couvert, non pas pour un vrai Monkey Island (qu’on ne verra jamais) mais pour un retour au jeu d’aventure pixellisé façon ordinateurs des années 90 (VGA style) avec une quantité de verbes d’actions à utiliser. On peut compter sur l’humour si particulier de Gilbert pour nous sortir un titre d’une qualité que l’on a rarement vu depuis la mort du genre et de LucasArts. A titre de comparatif, c’est une somme de plus de 600000$ qui a été récoltée par le père de Guybrush Threepwood.
Lien : http://blog.thimbleweedpark.com/
Les Japonais ne sont pas en reste avec notamment l’une de leurs figures de proue en la personne de Keiji Inafune, créateur entre autres de MegaMan et Dead Rising. Mighty n°9 a fait couler beaucoup d’encre de par sa ressemblance flagrante que ce soit dans son design ou son gameplay avec l’oeuvre original d’Inafune : Rockman (ou MegaMan en dehors du Japon). Malgré ceci, en 48h le projet a fait tourner les têtes afin de valider le premier seuil du financement de 900000$. Au final, l’objectif est atteint à plus de 400% de ce qui était prévu à l’origine. Le jeu sort en septembre 2015 sur pléthore de machines : Mac, PC, Linux, Xbox 360, PS3, Wii U, Xbox One, PS4, PS Vita et 3DS.
Lien : http://www.mightyno9.com/
Pour rester dans le haut du panier des développeurs de l’archipel nippon, récemment est arrivé sur Kickstarter le célèbre Koji Igarashi plus connu sous son diminutif d’IGA. Il fut assistant réalisateur du chef d’oeuvre Castlevania Symphony of the Night et producteur de tous les opus de la saga des Belmont depuis Harmony of Dissonance. Mai 2015, il lance son projet de financement participatif avec comme base 500000$, qui fut rapidement atteinte. A quelques jours de la fin, les 3,5 millions de $ ont été allégrement dépassés. IGA reprend, lui aussi, ce qu’il sait faire de mieux : un Casltevania-like (en 2D) dans un univers gothique / fantastique, avec des tonnes de pièces à visites, de bonus à collecter ou encore d’armes et objets magiques à looter et fabriquer.
Lien : https://www.kickstarter.com/projects/iga/bloodstained-ritual-of-the-night
Après pas mal de flops parmi les indés on croyait le financement participatif sur le déclin mais les grands créateurs commencent peu à peu à utiliser ces nouvelles possibilités et ce n’est pas pour déplaire les joueurs… même si, bien souvent ces développeurs reprennent leurs concepts originaux qui ont fait leur succès en les adaptant aux technologies actuelles, avec par conséquent peu d’innovations en matière de gameplay mais une maîtrise totalement inégalée dans leurs genres respectifs.
Le financement participatif à surtout l’avantage de donner la possibilité aux créateurs de jeux de s’affranchir des contraintes d’un éditeur.
Pas mal de grands noms des années 80/90 se sont tout de même lancé rapidement comme Brian Fargo (Inxile), Chris Avellone (ex-obsidian), Peter Molyneux, Tim Schafer(Double Fine). ils ont de suite vu la possibilité de refaire ce qu’ils aimaient et qui n’étaient plus considéré comme bankable par les dév.
Par contre, pour les futurs backers, avoir un grand nom sur un projet peut être rassurant, mais n’est pas un gage de produit fini de qualité. C’est ce que je disais dans un article récent sur le sujet que j’avais écrit suite à un énième projet abandonné. (http://bakarangers.fr/jeux-video/edito-7-le-crowdfunding-petit-mode-demploi.html)
Merci Archer, super intéressant ton article je l’avais loupé celui là 🙂